Critique de "Disengaged b/w Slipping" par Delta of Venus
- CHARLES
- il y a 11 heures
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Dans leur saisissant premier single visuel, "Disengaged b/w Slipping", le groupe de pop indie/shoegaze Delta of Venus, originaire de Mystic, Connecticut, offre plus que de la musique : ils présentent une exploration cinématographique et sonore de l'autonomisation féminine et de la mythologie. Sorti le 26 novembre 2024, ce single double face A prend vie à travers un long clip vidéo réalisé par l'artiste et photographe local Michelle Gemma, avec le montage de James Canty. Au cœur du projet, l'histoire de Jeanne d'Arc est réinterprétée — non pas comme une martyre piégée dans l'histoire, mais comme une figure prophétique qui survit à son destin pour mener un mouvement contemporain de résistance des femmes. Tant sur le plan sonore que visuel, "Disengaged" et "Slipping" mêlent nostalgie et innovation, créant un hommage richement atmosphérique à la résilience, à l'identité et aux multiples couches de la rébellion féminine. Delta of Venus navigue dans l'espace où les qualités éthérées du shoegaze croisent les émotions brutes de la pop indie. Le morceau d'ouverture "Disengaged" évoque un paysage sonore embrumé et chargé de réverbération, rappelant la beauté spectrale de Slowdive tout en maintenant une clarté mélodique semblable à celle de Beach House ou Alvvays. Les guitares scintillent comme des éclats de verre capturant la lumière de la lune—délicates mais éblouissantes—tandis que la section rythmique pulse avec une énergie sourde, semblable à un battement de cœur. Les voix flottent à travers la brume sonore, jamais complètement au point mais toujours présentes, semblables à un murmure se faufilant à travers un rêve. Les paroles explorent des thèmes d'aliénation et d'éveil, laissant entrevoir le démantèlement des illusions et la lente, douloureuse réappropriation de soi. La phrase répétée "disengaged" passe d'un sentiment de défaite à une affirmation renforçante : elle signifie non pas l'évasion mais un refus conscient.
La deuxième partie du single, "Slipping", adopte une approche plus introspective avec son instrumentation douce et méditative. Si "Disengaged" sert de cri de ralliement, "Slipping" agit comme sa réflexion intérieure. Le morceau s'ouvre sur une progression d'accords poignante soutenue par des couches de synthétiseurs, créant une profondeur océanique rappelant les moments sereins trouvés chez Cocteau Twins ou Grouper. Ici, le groupe s'oriente vers la pop ambiante, permettant à la mélodie de se déployer progressivement et offrant amplement d'espace pour l'exploration émotionnelle. Les voix sont superposées et traitées par des effets, brouillant la ligne entre voix et instrument—un trait caractéristique du shoegaze—et pourtant, sous cette brume sonore se cache une vulnérabilité touchante. La voix principale répète : "I'm slipping / into the blue", évoquant non pas le désespoir mais un abandon au changement, une acceptation de la transformation. Ce qui distingue cette sortie est l'ambition derrière son composant visuel. La direction de Michelle Gemma confère au clip un poids poétique qui élève les morceaux à des proportions mythiques. Situé dans le cadre contemporain de Mystic, le clip réinvente Jeanne d'Arc non pas comme une relique de sainteté mais comme un emblème de l'autonomisation féminine. Vêtue d'une tenue qui mêle des éléments médiévaux à la mode moderne, Jeanne émerge comme un symbole de rébellion intemporelle—non plus une figure sacrificielle mais une lionne féroce renaissante. L'utilisation d'images naturelles—champs balayés par le vent, forêts sombres et paysages marins—connecte cette renaissance de Jeanne à la terre elle-même, enracinant le récit dans un cadre profondément évocateur.
Mystic, connue pour son patrimoine maritime et son nom énigmatique, sert de toile de fond idéale pour cette renaissance spirituelle. Le style visuel de Gemma complète magnifiquement la musique. Le flou doux et les textures granuleuses reflètent le paysage sonore de Delta of Venus, rendant le clip semblable à un rêve à moitié oublié—intime, éphémère et rempli de potentiel. Le montage de James Canty est à la fois fluide et précis, permettant à la musique et aux visuels de s'harmoniser parfaitement. Parfois, les images semblent répondre directement à la musique : une montée de guitare coïncide avec une flamme vacillante ou une ligne vocale hantante résonne sur une image de Jeanne confrontant la mer tumultueuse. Ces connexions subtiles renforcent la profondeur émotionnelle, créant une expérience immersive et riche en couches. Ce qui émerge de “Disengaged b/w Slipping” transcende un simple manifeste artistique ; cela sert de réflexion sur des histoires alternatives—une réimagination du passé à travers un prisme d'espoir spéculatif. Delta of Venus pose audacieusement la question : Et si nos héroïnes avaient survécu ? Et si le martyre avait conduit à la révolution à la place ? En agissant ainsi, le groupe cadre sa musique non seulement comme un arrière-plan à ce récit réinterprété, mais comme son propre rythme distinct.
La décision de présenter un double A-side au lieu d'un single avec un B-side souligne l'importance égale des deux titres, renforçant le concept que la réflexion personnelle ( “Slipping”) et la défiance collective (“Disengaged”) sont des aspects entrelacés du même parcours. En tant qu'énoncé inaugural, cette sortie positionne Delta of Venus comme un groupe avec non seulement une identité sonore unique mais aussi une vision poétique qui fusionne l'introspection émotionnelle avec la critique culturelle. Ils ne se contentent pas de produire des chansons ; ils élaborent un folklore contemporain, tissant sons et histoires en une riche tapisserie qui reflète des thèmes de déslocation spirituelle et de résilience silencieuse. Les passionnés de shoegaze, de dream pop et de cinéma féministe trouveront beaucoup à célébrer. Pourtant, au-delà des frontières des genres, “Disengaged b/w Slipping” se dresse comme un témoignage du pouvoir durable de la réinvention—de soi, du mythe et du son. Avec cette œuvre, Delta of Venus démontre que leur ambition dépasse la simple dérive dans des atmosphères oniriques ; ils aspirent à créer quelque chose de plus intemporel, de plus cinématographique et, en fin de compte, de plus essentiel.
écrivain: Charles
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